Le jour où je suis devenue moi-même

Il m’a juste dit : « T’as jamais vraiment su ce que tu veux. Mais maintenant que tu te détaches enfin de ton passé, il faudrait peut-être réfléchir à ce dont toi tu as réellement envie en tant qu’adulte». Et la réponse est venue toute seule, je n’ai pas pu l’empêcher de franchir mes lèvres. « J’ai envie d’être écrivain ».

En prononçant ces mots, j’ai senti l’évidence monter dans ma poitrine, telle une bulle qui éclate au ralenti, comme si mon cœur ne pouvait pas encore y croire. Tout de suite après, il m’a semblé qu’une caresse me parcourait de l’intérieur, comme une lumière douce, apaisante, qui réchauffait une partie de mon être que j’avais ignorée durant trop longtemps.

Plus tard, en poursuivant notre conversation j’ai bafouillé : « La première fois que quelqu’un me demandera ce que je fais dans la vie et que je répondrai « Je suis écrivain ». Et là ma voix s’est brisée. Une boule s’est formée dans ma gorge, les larmes sont montées. D’avoir prononcé cette phrase à voix haute. Sans dire « J’aimerais être… », mais en affirmant « Je suis… ». A ce moment précis, j’ai réalisé que l’évidence qui m’était apparue plus tôt venait du même endroit de ma poitrine que lorsque je l’avais rencontré lui, et que j’avais su qu’on ferait un bout de chemin ensemble. Aujourd’hui, c’est un peu comme si je me rencontrais moi-même…Ça ne m’a pas soulevée et emportée comme le jour où je l’ai connu. C’était plutôt comme une vague légère qui vient caresser le sable, parce que c’est là qu’elle appartient.

Plus qu’un soulagement, un apaisement. C’était une émotion pure et douce qui faisait couler mes larmes. J’ignorais que ça provoque un telle réaction quand on trouve sa vraie voie ! Cette émotion dans ma gorge, cet apaisement pourtant mêlé d’impatience dans ma poitrine, et surtout ces larmes irrépressibles dans mes yeux, me prouvaient tous la même chose : je ne pouvais pas être dans l’erreur. Ça ne pouvait pas être faux. Une réaction émotionnelle aussi forte et viscérale ne peut qu’indiquer ce qui est vrai et juste. La vérité sur ma nature, sur tout mon être. Un écrivain. C’est ce que je suis réellement, même si je ne le savais pas. Même si je n’ai encore rien publié. C’est ça que j’ai vraiment envie de faire et c’est à ça que je veux passer ma vie.

Il m’a dit : « Dans ce cas vas-y. Moi je sais déjà que tu es faite pour ça. ». Alors je me suis mise à rire. Parce que l’avoir dit tout haut avait fait sauter un verrou. Mon cerveau se déchaînait, au sens propre du terme. Je pouvais physiquement sentir mon esprit se libérer des entraves que j’avais moi-même posées à une époque. Un flot de vie était en train de l’inonder et tout ce que j’avais bridé s’écoulait en moi comme un torrent. Je ne pouvais plus attendre. Ma curiosité, ma soif d’apprendre, mon envie de vivre des choses, d’expérimenter, de ressentir, de toucher…Tout cela revenait enfin à la surface. Il fallait que je m’en serve, que j’utilise cela à bon escient pour m’imprégner de ce que la vie a à offrir, et pour le retranscrire ensuite dans mes histoires. Je voulais exprimer des choses qui aient du sens pour moi mais qui permettent aussi à d’autres d’y voir plus clair. Leur faire partager des choses qui répondraient à des questions qu’ils ignoraient même avoir au fond d’eux. Parce que pour moi c’est ça un véritable écrivain. Quelqu’un qui éclaire les recoins cachés de notre esprit. Et c’est ça que je voulais faire. Et être.

La boule dans ma gorge disparût, les larmes refluèrent. La joie explosa en moi, comme une fête, une célébration d’avoir enfin (re)trouvé ma place. Le souffle coupé, je pris conscience de ce qui venait de se passer, et de tout ce que ça impliquait. Je venais enfin de m’autoriser à être Moi. Moi-même, pleine et entière, débarrassée des convenances, de la norme imposée par la société. Je venais de me libérer du poids des chaînes posées par mon éducation. Des chaînes que j’avais ensuite moi-même verrouillées à une époque, et dont j’avais moi-même jeté la clé. Désormais, plus rien ne serait comme avant. Plus rien ne me brimerait, et au diable les faux-semblants. Je n’avais jamais voulu d’une vie normale et ordonnée, réglée comme du papier à musique. Je n’avais jamais réellement souhaité avoir un emploi stable, fait d’horaires, de hiérarchie et de contraintes à respecter. J’avais juste grandi en essayant de me convaincre que c’était la seule chose à faire, parce que « c’est ça la vie ». Papa-maman m’avaient bien appris la leçon. Résultat j’avais été malheureuse jusqu’à maintenant, à poursuivre désespérément quelque chose dont je ne voulais pas vraiment et qui ne me correspondait pas du tout. Et à culpabiliser de ne pas le trouver en plus! Quelque chose qui pourtant n’aurait pas pu me combler, même si je l’avais obtenu. Aujourd’hui je disais stop. Et ça faisait un bien fou !

 

Oui le chemin à parcourir sera long et difficile…

Bien sûr que cette voie ne paye pas…

Non je ne vais peut-être pas être publiée…

Evidemment que je vais en baver !

 

Mais ce ne sera pas nouveau, j’en bavais déjà maintenant. Et en plus je m’empêchais d’être qui je suis réellement. A l’avenir au moins je serai en accord avec moi-même, ce qui est plus confortable. Ça donne une bonne raison supplémentaire de s’engager les yeux fermés sur une voie dont on sait à l’avance qu’elle sera périlleuse. Je me suis toujours endormie sur l’autoroute de toute façon. Je préfère de loin les chemins de terre qui traversent les champs !

3 réflexions sur “Le jour où je suis devenue moi-même”

  1. C’est pas facile de trouver, et de suivre sa voie, c’est super que tu aies eu le courage de le faire !! Ton article est beau et très bien écrit, un vrai plaisir de le lire 🙂

    1. Oh, merci c’est gentil! Ça me touche beaucoup 😊 C’est vrai que ce n’est pas facile de trouver et encore moins de suivre sa voie…Mais ça fait tellement de bien quand on y arrive 😊

  2. Ping : Emily NolsPeur de l’échec, page blanche ? C’est peut-être la peur de réussir!

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